Merci

"Il est des circonstances dans la vie où tout être, aussi intélligent et perspicace qu'il soit, se doit d'optempérer à des impératifs qui, bien qu'aléatoires, n'en revêtent pas moins un caractère absolu et intrinsèque."
Cette phrase, dont j'ignore l'auteur, m'a été assénée en cours de philo lorsque j'avais 17 ans; elle ne m'a jamais quitté depuis. J'y ai vu longtemps, dans une formule compliquée à souhait, le rappel des nécessités fondamentales de l'existence: l'instinct de survie, le besoin de se nourrir, de dormir etc. Ces mots sonnaient comme une mise en garde et un garde fou contre le trop plein de culture, de virtuel, qui me menaçait. Ils me ramenaient avec insistance à l'évidente simplicité de la condition humaine.
Et puis, avec l'âge et l'expérience, cette phrase a pris une signification plus personnelle. Elle me montrait que sous tous nos actes, tous nos comportements, toutes nos réactions, nos émotions, certains principes fondateurs étaient récurrents, pour chacun d'entre nous. On peut admirer un beau violet sans penser au bleu et au rouge qui le composent et à la lumière qui lui donne sa qualité. On peut de même agir et penser sans avoir conscience des couleurs fondamentales qui nous motivent ni de la manière dont tout cela sera perçu.
Une certaine forme de fierté, héritée de Karen Blixen, et qui consiste à opposer un "oui" inconditionnel aux événements; la leçon de Jacob luttant avec l'ange: "je ne te lacherai pas avant que tu ne m'aies béni"; une certaine volonté de "jeter son coeur par dessus la barrière" comme le cheval de Vronsky, sont devenues les couleurs primaires qui permettent toutes les variations de ma personnalité.
J'aurais pu, avec les événements récents qui entachent mes jours, perdre cette phrase de vue. J'en étais venu à ne plus reconnaître les couleurs; je n'étais plus sûr. Grace à vous, à votre soutien, à vos appels chaleureux, à votre compréhension sans jugement, j'ai pu garder le cap et tout est resté "en perspective".