Cyrano de Bergerac à la Comédie Française

Et oui! après plusieurs mois d'attente, nous avons finalement réussi à décrocher deux places pour Cyrano à la Comédie Française. Grace à deux désistements, nous avons assisté à la pièce samedi soir. Tout le monde connait la pièce de Rostand; elle a été reprise 1000 fois avec des distributions prestigieuses. Cyrano est défiguré par un nez énorme et ridicule. Sa fierté gasconne le pousse à "être admirable en tout, pour tout", c'est à dire à tout entreprendre avec panache. Le verbe haut, le geste large deviennent ses armes pour tourner en dérision le mensonge, le compromis, la lacheté, l'hypocrisie. Cette noblesse de fait plus que de nom lui cause des ennemis puissants. Mais plus puissant encore est l'amour que lui inspire la belle, la précieuse, l'insouciante Roxane. Ce caractère à la fierté extrême provoque des situations extrêmes: les émotions sont des transports violents, les inimitiés des dégoûts mortels, les sentiments des feux brulants. Pour incarner Cyrano, il faut une énergie sure et maitrisée. Michel Vuillermoz n'en manque pas. Il a le regard brillant, le geste large, la voix tonitruante qu'on attend de lui. Mais il a aussi cette candeur parfois, cette lassitude qui rendent le personnage de Cyrano si humain, conscient d'incarner sa propre légende. Michel Vuillermoz glisse avec intélligence du panache à la poésie, de la colère à la pudeur, et nous rapproche de Cyrano. Denis Podalydès a inventé une mise en scène qu'on pourrait accuser d'être pleine d'ingénieuses trouvailles. Mais elle souligne subtilement ce que les vers suggèrent en filigrane. Les non-dits pudiques, les émotions voilées, les craintes secrètes sont ainsi rendus sensibles au spectateur et l'amène avec plus de facilité à faire preuve d'empathie envers les héros de la pièce. Il ressent donc le texte dans toute se plénitude et vibre, jusqu'au tomber de rideau, avec Cyrano, Roxane, Christian et de Guiche.